Selon une ancienne légende polynésienne, le Lori de Kuhl — appelé ‘Ura dans la langue locale — n’était autrefois qu’un oiseau terne et sans éclat. Jaloux de son congénère plus coloré, il décida de lui dérober ses plumes éclatantes : le rouge, le bleu, le vert et le jaune. Paré de ces couleurs flamboyantes, il devint le joyau des îles du Pacifique. Mais sa beauté attira aussi la convoitise des hommes qui, pendant des siècles, le chassèrent pour ses plumes, le poussant au bord de l’extinction.
Une petite île au grand rôle
Rimatara, minuscule île de 9 km² nichée dans l’archipel des Australes, est devenue le sanctuaire du ‘Ura. Ici, la population entière, consciente de la fragilité de cet oiseau endémique, s’est mobilisée pour sa survie. Depuis les scientifiques jusqu’aux agriculteurs, chacun contribue à protéger ce symbole identitaire.
Dans les années 1990, le ‘Ura ne comptait plus que 400 individus, contre 1 500 quelques décennies plus tôt. Classé parmi les espèces en danger critique, il semblait condamné. Pourtant, grâce à un effort collectif inédit et à des programmes de conservation rigoureux, sa population reprend lentement espoir.
Des menaces persistantes
Si la mobilisation a permis un frémissement encourageant, la bataille est loin d’être gagnée. Urbanisation, incendies liés aux feux de déchets végétaux, pression humaine et prédateurs introduits (rats noirs, fourmis de feu, oiseaux prédateurs) pèsent toujours sur la survie du ‘Ura. Les habitants, en lien avec l’Office français de la biodiversité et l’association Rima’Ura, redoublent d’ingéniosité pour contenir ces menaces.
Des gardiens du vivant
Samuel, grimpeur infatigable, surveille plus de 200 nids à l’aide de caméras installées dans les arbres. Tiraha et son chien Koha inspectent chaque bateau et avion arrivant sur l’île pour éviter l’introduction de nouveaux prédateurs. Ishido sensibilise la population, tandis que Kenji et Brenda mobilisent les agriculteurs pour replanter des arbres fruitiers, recréant ainsi l’habitat naturel des loriquets.
Ces efforts collectifs ont même permis de réintroduire le ‘Ura sur l’île d’Atiu, dans les îles Cook, où il avait totalement disparu. Un geste fort qui a ravivé les liens ancestraux entre les deux communautés polynésiennes.
Un avenir encore incertain
Si le combat a déjà sauvé l’oiseau d’une disparition programmée, le fragile équilibre reste menacé par le changement climatique et la pression foncière. La question demeure : les habitants parviendront-ils à maintenir cette mobilisation sur le long terme ?
Le documentaire “Ura, sauver l’oiseau sacré des Australes” disponible sur la1ere.fr et france.tv , réalisé par Thomas Delorme, Virginie Tetoofa et Samuel Ravatua-Smith nous plonge dans cette aventure humaine et écologique hors du commun. Pendant 52 minutes, il raconte l’histoire d’un peuple déterminé à protéger son trésor vivant, symbole coloré de son identité et de sa résilience.














