Le Syndicat national des journalistes (SNJ) Réunion – Océan Indien a vivement réagi après l’annonce de l’ouverture d’une « formation aux métiers de journalisme » sur le territoire réunionnais, placée sous l’égide de l’État et de plusieurs partenaires institutionnels et privés, dont Antenne Réunion. Selon le communiqué officiel, cette initiative répondrait à une « pénurie » de journalistes constatée par « différents médias ».
Une affirmation jugée « mensongère et insultante » par le SNJ, qui rappelle que de nombreux professionnels qualifiés ont récemment perdu leur emploi à la suite des difficultés rencontrées par la presse écrite locale. « Tous, à ce jour, n’ont pas retrouvé d’activité dans le secteur. Loin s’en faut », insiste le syndicat.
Une formation jugée irréaliste et dangereuse
Le SNJ dénonce la légèreté d’un projet qui prétend former des journalistes en seulement deux mois. Or, la profession s’appuie sur des cursus longs, exigeants et validés par une instance nationale, la CPNEJ, réunissant éditeurs et syndicats. Ces formations reconnues (quinze à ce jour, toutes situées dans l’Hexagone) garantissent non seulement la maîtrise des techniques journalistiques mais aussi l’apprentissage des règles déontologiques et juridiques indispensables.
« Ouvrir une formation à la hâte, sans concertation, sans participation de l’Université de La Réunion et sans assurance sur les enseignements dispensés ou les qualifications du corps enseignant, équivaut à proposer à la jeunesse réunionnaise un miroir aux alouettes », déplore le syndicat.
Un mélange des genres inquiétant
Autre sujet d’indignation : le ciblage de cette formation, censée s’adresser à la fois aux demandeurs d’emploi, aux pigistes et aux intermittents du spectacle. Pour le SNJ, cette confusion témoigne d’une méconnaissance profonde du métier.
Le syndicat craint surtout que derrière l’argument pédagogique se cache une volonté d’une entreprise privée de disposer en permanence d’une main-d’œuvre peu expérimentée, facilement renouvelable et donc bon marché. « Ce partenariat ressemble à une complicité de l’État avec un employeur qui veut entretenir un turn-over permanent », dénonce le communiqué.
Un appel à stopper le projet
Le SNJ appelle le préfet de La Réunion, le recteur et le directeur départemental de France Travail à intervenir de toute urgence pour suspendre le lancement de cette formation et cesser sa promotion auprès du public.
« Prétendre former des journalistes en deux mois à peine est irréaliste et contrevient totalement à ces principes. Pour le SNJ, il serait plus approprié de réfléchir à la création de cursus de formation ambitieux, et conformes aux exigences de la profession, destinés aux étudiants d’outre-mer. Il faut également permettre à ces étudiants d’accéder plus aisément et équitablement aux formations déjà reconnues par la profession », plaide le syndicat.
En filigrane, la profession rappelle qu’un journalisme de qualité ne peut se construire ni dans la précipitation, ni à bas coût.
