Dans un documentaire bouleversant et lumineux, France 3 propose ce lundi 12 mai prochain dès 23h45 (Horaire Métropole, ndlr), de redécouvrir la trajectoire hors du commun de Joseph Zobel, figure majeure de la littérature antillaise, à travers un film inédit de 52 minutes signé Inès Sabatier, Inès Blasco et Fabrice Gardel.
Intitulé "Joseph Zobel, l’enfant de la rue Cases-Nègres", le documentaire retrace la vie de l’écrivain martiniquais mondialement connu pour son roman La Rue Cases-Nègres, adapté au cinéma par Euzhan Palcy en 1983.
Né à Petit-Bourg, dans le sud agricole de la Martinique, Joseph Zobel grandit dans un environnement marqué par la pauvreté et les séquelles du système colonial. Orphelin de père, il est élevé par sa grand-mère, M’man Tine, une femme humble et déterminée, personnage central de La Rue Cases-Nègres. Dans ce quartier précaire, vestige des anciennes plantations esclavagistes, le jeune Joseph vit entre la faim, le travail des champs et les injustices raciales. Mais M’man Tine croit dur comme fer à l’émancipation par l’éducation. Grâce à elle, Zobel devient le premier enfant de la plantation à aller à l’école.
Très vite, l’élève brillant gravit les échelons scolaires, jusqu’à intégrer le prestigieux lycée Schoelcher. C’est là qu’il prend conscience des inégalités sociales profondes qui divisent son île. Ces injustices nourriront son engagement littéraire et politique, donnant naissance à une œuvre où la mémoire, l’identité et la dignité occupent une place centrale.
Empêché de rejoindre Paris pour suivre les Beaux-Arts à cause de la guerre, Zobel commence à écrire pour la presse locale. Il se rapproche du cercle de la revue Tropiques, dirigée par Aimé Césaire, qui deviendra un ami et un mentor. Sous son impulsion, Zobel publie Diab’-là en 1942, un premier roman audacieux censuré par le régime vichyste.
Après la guerre, il s’exile enfin en métropole. Paris, capitale bouillonnante d’idées, devient pour lui un lieu de renaissance. Il y rencontre Léopold Sédar Senghor, les sœurs Nardal, René Maran, et s’inscrit dans le courant de la négritude, mouvement littéraire et politique auquel il donne une voix originale, enracinée dans le vécu des Antilles.
L’œuvre la plus emblématique de Joseph Zobel, La Rue Cases-Nègres, paraît en 1950. À travers le personnage de José, c’est toute une génération d’enfants martiniquais qui trouve enfin une voix littéraire. Le roman, salué par l’Académie française, deviendra un classique grâce à l’adaptation cinématographique d’Euzhan Palcy, qui le fera connaître à un public international.
Mais Zobel ne s’arrête pas à la littérature. Enseignant, sculpteur, potier, peintre, photographe, maître d’ikebana (art floral japonais), il explore sans relâche tous les champs de la création. Il passe plus de quinze ans au Sénégal, où il travaille pour Radio Sénégal et participe activement à la vie intellectuelle du pays, avant de se retirer dans les Cévennes où il continue de créer jusqu’à la fin de sa vie.
Décoré chevalier de la Légion d'honneur en 1998, Joseph Zobel s’éteint en 2006. Près de vingt ans après sa disparition, son œuvre continue d’inspirer. Témoignages de proches, archives intimes, images de la Martinique, de Paris et des Cévennes : ce documentaire rend un hommage vibrant à un homme libre, dont la vie fut guidée par la soif d’apprendre et la volonté de témoigner.
À travers le regard sensible de ses réalisateurs et les images signées Henri Desaunay et Teddy Albert, Joseph Zobel, l’enfant de la rue Cases-Nègres offre une plongée émouvante dans le parcours d’un écrivain pionnier, témoin de son époque et visionnaire des mondes à venir.
