À partir de ce mercredi, les internautes français souhaitant accéder aux sites pornographiques Pornhub, YouPorn ou Redtube seront accueillis par une page d’accueil explicative, illustrée par le célèbre tableau « La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix. Le message affiché par Aylo, maison mère de ces plateformes, est clair : il s’agit d’un acte de protestation contre l’obligation imposée par la loi française de vérifier l’âge des utilisateurs.
Depuis mars 2025, tous les sites pornographiques, qu’ils soient établis en France, dans l’Union européenne ou hors UE, sont soumis à l’obligation de s’assurer que leurs visiteurs sont majeurs. Pour cela, ils doivent proposer au moins une méthode de vérification d’âge respectant le principe de double anonymat — une technologie permettant de prouver sa majorité sans révéler son identité, via l’envoi d’un document ou d’une photo par exemple. Le non-respect de cette obligation peut entraîner des sanctions, voire le blocage des sites contrevenants.
Propriétaire de plusieurs des sites X les plus visités au monde, Aylo revendique près de 7 millions de visiteurs quotidiens sur ses plateformes. Le groupe estime que la législation française est "déraisonnable, disproportionnée et inefficace", selon les mots de Solomon Friedman, du fonds d’investissement Ethical Capital Partners, qui détient Aylo.
L’entreprise plaide pour une autre voie : une vérification d’âge directement intégrée aux systèmes d’exploitation. « Google, Apple et Microsoft ont tous la capacité de vérifier l’âge de l’utilisateur à ce niveau et de transmettre cette information aux sites ou applications », affirme Friedman, suggérant que la responsabilité ne devrait pas incomber uniquement aux éditeurs de contenus.
La réponse des autorités françaises est cinglante. Pour l'Arcom, l’autorité de régulation en charge de l’audiovisuel et du numérique, la loi vise avant tout à protéger les mineurs. Elle rappelle que plus d’un tiers des adolescents français âgés de 12 à 17 ans visitent chaque mois Pornhub, selon ses données.
Dans un communiqué, le régulateur indique que cinq des six plateformes récemment mises en demeure ont déjà adopté des solutions de vérification d’âge. Seul un site, anonyme et hors-la-loi, a été bloqué et déréférencé. Un arrêté récent permet désormais à l’Arcom d’agir également contre les plateformes établies dans l’Union européenne à compter du 7 juin 2025.
Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, a réagi auprès de l’AFP :
« Demander aux sites de vérifier l’âge, ce n’est pas stigmatiser les adultes mais juste protéger nos enfants. ». « Si Aylo préfère sortir de la France que d’appliquer notre loi, libre à eux. »
Aurore Bergé, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a pour sa part salué cette suspension, écrivant sur X :
« Pornhub, YouPorn et Redtube refusent de se conformer à notre cadre légal et décident de partir. Tant mieux ! Il y aura moins de contenus violents, dégradants, humiliants accessibles aux mineurs en France. Au revoir. »
Cette confrontation entre la France et Aylo pourrait bien faire jurisprudence en Europe. Alors que l’Union européenne s’engage elle aussi vers une meilleure protection des mineurs en ligne, le modèle français pourrait inspirer d'autres pays, ou au contraire, attiser les tensions avec les géants du web.
En attendant, les utilisateurs français majeurs comme mineurs sont désormais coupés des sites X du groupe Aylo, dans un bras de fer inédit entre la régulation numérique et les libertés individuelles sur Internet.














