L’Autorité de la concurrence a annoncé avoir rejeté la saisine au fond ainsi que la demande de mesures conservatoires déposées par Qwant à l’encontre de Microsoft. Le moteur de recherche français accusait le géant américain d’abus de position dominante et d’abus de dépendance économique dans les secteurs de la syndication de résultats de recherche et de la publicité en ligne. Après plusieurs mois d’instruction, l’Autorité estime que les éléments fournis ne sont pas suffisamment probants pour caractériser de telles pratiques.
Qwant dénonce exclusivités, ventes liées et discriminations
Dans sa saisine, Qwant soutenait que Microsoft, via sa technologie Bing à laquelle il recourt depuis 2016 pour compléter ses résultats algorithmiques, aurait mis en œuvre plusieurs pratiques anticoncurrentielles :
- exclusivité d’approvisionnement en publicités,
- vente liée entre résultats organiques et résultats payants,
- discrimination dans l’accès à l’offre publicitaire,
- restrictions imposées à Qwant pour développer un modèle d’intelligence artificielle.
Selon Qwant, ces pratiques l’auraient placée dans une situation de dépendance économique, tout en renforçant une position dominante présumée de Microsoft sur le marché de la syndication.
L’Autorité écarte la position dominante de Microsoft
Après analyse, l’Autorité de la concurrence juge que Qwant n’apporte aucune démonstration convaincante de la position dominante de Microsoft sur un éventuel marché de la syndication des résultats de recherche. Plusieurs éléments viennent contredire cette affirmation :
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Google propose également des services de syndication, ce qui empêche Microsoft d’être considéré comme incontournable.
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Les moteurs de recherche alternatifs intégrant des résultats payants dépendent fortement de la pertinence et du volume des publicités disponibles.
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Or, selon la Commission européenne, Google détient une position « ultradominante » sur le marché de la publicité liée aux recherches, face rémunératrice du secteur.
Cette suprématie de Google exerce une pression concurrentielle significative sur les offres de syndication, rendant improbable une situation de dominance de Microsoft, faute d’éléments contraires au dossier.
Pas de dépendance économique avérée
L’Autorité évalue également la notion de dépendance économique, qui suppose plusieurs critères cumulatifs : importance de la relation commerciale, part de marché de l’entreprise mise en cause, notoriété de sa marque, et absence d’alternative équivalente.
Si les résultats fournis par Microsoft représentent effectivement une part substantielle du chiffre d’affaires de Qwant, les autres critères ne sont pas réunis :
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La notoriété de Bing reste relative, largement éclipsée par celle de Google.
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Des alternatives existent : Qwant dispose de ses propres capacités de recherche et a lancé en juin 2025, avec Ecosia, European Search Perspective, une solution de syndication fondée sur une technologie indépendante.
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Qwant est par ailleurs le seul partenaire autorisé par Microsoft à développer sa propre technologie de recherche au sein d’un contrat de syndication.
L’Autorité en conclut que Qwant ne se trouve pas en situation de dépendance économique vis-à-vis de Microsoft.
Aucune pratique anticoncurrentielle suffisamment démontrée
Concernant les pratiques reprochées, exclusivité, vente liée, discrimination, restrictions techniques, l’Autorité estime qu’aucun élément n’établit de manière probante l’existence d’un abus.
En l’absence d’infraction caractérisée, la saisine au fond est rejetée. Par conséquent, la demande de mesures conservatoires formulée par Qwant est également écartée.
Un secteur structuré par des effets de réseau puissants
L’affaire met en lumière les dynamiques particulières du marché de la recherche en ligne :
- un modèle économique fondé sur la publicité liée aux recherches,
- des effets de réseau déterminants, où l’attractivité d’un moteur dépend du volume d’utilisateurs,
- une dépendance technique des moteurs alternatifs à l’égard des géants capables de produire leurs propres résultats,
- un marché de la syndication très concentré.
Outre Google et Microsoft, seuls quelques acteurs émergents, Brave, Mojeek ou encore European Search Perspective, proposent une syndication limitée aux résultats organiques, signe d’un marché encore peu diversifié.














