Alors que l’étau se resserre sur la dette abyssale de SFR, le géant des télécoms français s’apprête à entrer en procédure de sauvegarde accélérée. Une étape décisive dans la restructuration menée par son propriétaire Patrick Drahi, qui envisage déjà la vente de l’opérateur à ses concurrents.
Selon BFM TV, la procédure de sauvegarde accélérée de SFR pourrait être lancée dès début juin. Cette démarche, qui s’inscrit dans la suite logique de la conciliation menée avec ses créanciers, vise à restructurer une dette colossale de 25 milliards d’euros. D’après des sources proches du groupe Altice, maison mère de SFR, plus de 90 % des prêteurs auraient validé le plan de restructuration. Le Tribunal de commerce de Paris devra entériner cet accord à l’issue de la procédure, probablement à l’automne.
« Pour entériner l’accord sur la dette, nous devons mettre en place un processus juridico-administratif, la sauvegarde accélérée », explique une source proche d’Altice. Cette dernière phase devrait permettre de finaliser la mise en place d’une nouvelle dette, mieux calibrée, d’ici septembre ou octobre.
Mais derrière cette restructuration juridique se profile un autre enjeu majeur : la vente de SFR. Patrick Drahi serait déjà en discussion pour céder tout ou partie de l’opérateur. Les prétendants ? Bouygues Télécom, Free et Orange, qui envisageraient un démantèlement partiel de l’entreprise pour se partager ses actifs.
Avec 19 millions d’abonnés mobiles et 6 millions dans le fixe, SFR représente une prise de choix. Bouygues et Free lorgnent déjà sur les abonnés grand public, tandis qu’Orange serait intéressé par la clientèle entreprise et certaines fréquences 4G et 5G. Toutefois, l’opérateur historique, trop dominant sur le marché, pourrait se heurter aux limites imposées par l’Autorité de la concurrence.
Autre complication : le climat délétère entre Xavier Niel (Free) et Martin Bouygues. Leur rivalité de longue date risque de rendre les négociations particulièrement sensibles. Le patron d’Altice devra jouer les équilibristes pour parvenir à un accord avant la fin de l’année.
Tous les opérateurs s’accordent sur un point : ils ne reprendront pas la totalité de SFR, notamment les 15 milliards de dettes qui pèsent directement sur l’entreprise. Ce passif devra être réparti entre les acheteurs ou absorbé via d'autres cessions. L’un des principaux actifs convoités – le réseau de fibre optique de SFR – ne devrait toutefois pas être inclus dans le deal. Drahi prévoit de le vendre séparément pour renflouer les caisses.
L’Autorité de la concurrence reste quant à elle vigilante. Si son président Benoît Cœuré s’est récemment montré favorable à une consolidation du secteur, il pose des conditions strictes : pas de hausse de prix pour les consommateurs et un maintien des investissements dans les infrastructures.
La recomposition du marché pourrait redéfinir durablement l’écosystème des télécoms en France. À condition que les tractations, à hauts risques politiques et financiers, aboutissent dans les délais imposés.
En coulisses, Patrick Drahi joue son va-tout. Une vente de SFR permettrait non seulement de sauver son empire, mais aussi de redonner de l’oxygène à un secteur télécom français en quête de stabilité après des années de guerre des prix.
