Alors que les équilibres économiques du paysage radiophonique français vacillent face à la montée en puissance des plateformes numériques et de la télévision segmentée, le SIRTI (Syndicat des Radios Indépendantes) appelle à un encadrement urgent de ces nouvelles pratiques publicitaires. À l’occasion d’un petit-déjeuner presse organisé le 23 juin, le syndicat a mis en garde contre les menaces qui pèsent sur la publicité locale, essentielle à la survie des radios indépendantes dans les territoires.
Un pilier économique fragilisé
En 2024, malgré une timide reprise du marché publicitaire local, les radios indépendantes n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant la crise sanitaire. Ce recul est notamment imputable à un désengagement des annonceurs locaux, eux-mêmes confrontés à une hausse des défaillances d’entreprises. Or, la publicité locale représente près de la moitié du chiffre d’affaires des radios indépendantes. En recul de 2,4 % cette année, ce segment met en péril la pérennité des médias de proximité.
« La publicité locale, ce n’est pas un simple levier économique : c’est un garant de la diversité et de la vitalité démocratique dans les territoires. La radio indépendante fait vivre une information de proximité à travers tout le pays. Elle a besoin d’un cadre équitable pour continuer à remplir cette mission », souligne Christophe Schalk, président du SIRTI.
Télévision segmentée : une concurrence jugée déloyale
Le SIRTI pointe du doigt l’essor spectaculaire de la télévision segmentée, qui a vu sa part de marché sur le local grimper de 13,5% en 2024. Contrairement à la radio, les chaînes de télévision segmentée ne proposent aucun contenu local, mais bénéficient d’un accès massif aux budgets des annonceurs territoriaux.
Le syndicat déplore que les conclusions de l’étude d’impact menée en 2022 — en pleine crise sanitaire — soient aujourd’hui dépassées. Depuis, le marché a explosé : plus de 11 millions de foyers sont éligibles, les volumes de campagnes ont augmenté, souvent basés sur des données de géolocalisation, et les profils des annonceurs sont désormais les mêmes que ceux qui ciblent habituellement les médias locaux. Le SIRTI réclame donc un nouvel audit complet sur les effets concrets de la télévision segmentée sur les marchés publicitaires locaux.
Opacité et contournement des règles
Autre source d’inquiétude : le manque de transparence sur les spots diffusés en télévision segmentée. Selon les observations du SIRTI, près de la moitié des spots seraient aujourd’hui identifiables comme "locaux", sans pour autant respecter le principe fondamental : à programme local, publicité locale. Sans contrôle effectif, cette pratique crée une distorsion de concurrence qui fragilise un peu plus les radios indépendantes.
Le syndicat réclame une transparence totale des campagnes segmentées, afin de garantir l’application équitable des règles du marché. Il insiste également sur la nécessité de faire figurer explicitement la publicité locale dans le projet de loi relatif aux États généraux de l’information.
Plateformes numériques : des géants en terrain libre
Enfin, le SIRTI s’alarme de l’hégémonie du numérique, qui accapare aujourd’hui 36 % des investissements publicitaires locaux, contre seulement 22 % pour les médias traditionnels. Il plaide pour l’application stricte des recommandations des États généraux de l’information au secteur publicitaire local : contribution obligatoire des plateformes au financement des médias, et transparence sur les achats médias.
Un appel à l’équité
Dans un paysage médiatique en pleine mutation, les radios indépendantes appellent à un rééquilibrage nécessaire des règles du jeu. À travers cet appel, le SIRTI souhaite garantir aux radios de proximité les moyens de poursuivre leur mission : informer, fédérer, et faire vivre la diversité dans les territoires.
Sans cadre équitable, la radio indépendante risque de perdre sa voix dans un marché où la technologie avance plus vite que la régulation.