Alors que le monde est confronté à une intensification des phénomènes de désinformation, de manipulation algorithmique et de défiance croissante envers les médias, l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) s’impose comme un enjeu crucial pour la démocratie.
À Mayotte, plus de 1000 jeunes âgés de 6 à 24 ans ont été directement sensibilisés à ces questions durant tout le mois de mai, grâce à une Résidence journaliste pilotée par la journaliste Abby Said Adinani.
Cette résidence, menée pour la quatrième année consécutive à l’initiative conjointe de la Direction des Affaires Culturelles (DAC) et du Rectorat de Mayotte, s’inscrit dans une démarche de terrain ambitieuse. À travers ateliers, débats, productions et rencontres, elle vise à donner aux jeunes les outils nécessaires pour mieux comprendre, questionner et produire l’information.
« Avec l’avènement d’Internet, nous sommes dans une ère où l’information, et malheureusement aussi la désinformation, circulent très vite. Pendant ce temps, les enfants, via les téléphones de leurs parents ou leurs propres tablettes, manifestent une appétence croissante pour le numérique et les réseaux sociaux », indique la journaliste Abby Said Adinani. « À 6 ans, ils connaissent déjà TikTok, YouTube... Il est de notre devoir de leur transmettre les outils nécessaires pour qu’ils grandissent en développant leur esprit critique et en comprenant les enjeux qui entourent l’information. Cela nous concerne tous. »
Durant plusieurs semaines, la journaliste est allée à la rencontre des jeunes, de Mtsangaboua à Bouéni, en passant par Doujani, Sada et Pamandzi. Dans chaque commune, des actions concrètes ont été menées : initiation aux métiers de l’information, apprentissage du reportage, de la prise de son, de l’interview, mais surtout, réflexion sur leur propre rapport aux images, aux réseaux sociaux et à la parole publique.
Cette approche ancrée dans les réalités locales a donné lieu à une production riche et variée : podcasts, articles, micro-trottoirs, vidéos. Autant de formats créés par les jeunes, dans un esprit participatif et inclusif. Certains établissements scolaires se sont particulièrement illustrés par la qualité de leurs projets, soutenus par des équipes pédagogiques engagées.
Au-delà de la production de contenus, cette résidence a révélé l’impact profond de l’EMI sur les jeunes participants : meilleure compréhension de leur environnement, développement de l’esprit critique, réappropriation de la parole citoyenne.
Dans un département comme Mayotte, où les défis sociaux et éducatifs sont nombreux, l’Éducation aux Médias et à l’Information apparaît comme un outil d’émancipation à ne pas négliger. Elle contribue à la cohésion sociale en permettant aux jeunes de s’exprimer et de se forger une opinion éclairée face à la masse d’informations – souvent anxiogènes – qui circulent en ligne.
Consciente des besoins persistants et de la nécessité de pérenniser ces actions, Abby Said Adinani a lancé, via son association L’Effet Pelapelaka, une grande enquête territoriale. Celle-ci vise à mieux comprendre les usages, les perceptions et les attentes des jeunes en matière d’information à Mayotte.
« Nous portons l’ambition de créer un espace où les jeunes, mais aussi leurs parents, peuvent s’interroger, critiquer, proposer, déconstruire. Les usages liés à l’information ont changé, et nous devons nous adapter, au risque de passer à côté de nombreuses problématiques qui touchent directement les jeunes », explique la journaliste.
L’enquête est accessible en ligne (ici) et ambitionne de toucher un large échantillon de la jeunesse mahoraise. Son objectif : nourrir des actions concrètes, adaptées aux réalités du territoire.
À l’heure où la désinformation gagne du terrain, l’expérience menée à Mayotte témoigne de la puissance transformatrice de l’EMI lorsqu’elle est pensée en lien étroit avec les jeunes, leur culture numérique et leur quotidien. Un modèle d’intervention à échelle humaine, qui mérite d’être soutenu, étendu… et répliqué ailleurs.