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Mayotte La 1ère au coeur du Debaa

Mardi 20 octobre 2020 à 20:00


Rédigé le Lundi 19 Octobre 2020 à 07:07 |



Sur l’île de Mayotte, les femmes pratiquent un islam atypique et féminin qu’elles expriment de façon emblématique à travers le debaa, art dansé et chanté d’inspiration soufie.

Ce film réalisé par Elena Bertuzzi et Laure Chatrefou raconte la passion de Nourou, Saloua et Zalia, qui chacune à sa façon, révèle une manière créative de vivre la foi, où la beauté et la grâce sont défendues comme des valeurs suprêmes.

Mayotte possède un riche patrimoine musical et chorégraphique.

Ce répertoire se caractérise par une longue tradition de rencontres et d’influences culturelles, africaines, malgaches, arabes, asiatiques, indiennes ou encore européennes.

Parmi ces pratiques, le debaa, est celle qui exprime au mieux la richesse de ces métissages et qui bénéficie aujourd'hui d’une reconnaissance particulière grâce à la mise en place d’une politique culturelle spécifique par les institutions locales (Conseil Général, Préfecture, Mairies).

Le debaa, devenu emblème de la culture mahoraise, est pratiqué uniquement par les femmes de toutes générations. Il s’agit de chants psalmodiés en langue arabe, composés à partir de qasîda (poèmes mystiques) louant les événements les plus importants de la vie du prophète Mahomet ou abordant l'amour et les valeurs éthiques chères aux soufis.

Cet art allie la dévotion à une recherche créative permanente. Disposées en ligne, les femmes exécutent à l'unisson une chorégraphie lente et élaborée qui mobilise principalement le buste et les bras et met en valeur leurs qualités les plus appréciées, telles que la grâce, la retenue, ainsi que l'adab - le savoir-vivre, et le ustaarabu - les belles manières. Leurs tenues sont très recherchées et soignées.

Le debaa est pratiqué à l’occasion de mariages, de commémorations ou de fêtes de village. Avec ces chants dansés les femmes accompagnent les pélerins lors des départs pour La Mecque et les accueillent à leur retour. Elles s'y adonnent aussi à l'occasion d’autres événements du calendrier musulman comme l’Aïd El-Fitr (la célébration de la fin du Ramadan).

Cependant, la principale réalisation du debaa a lieu dans le cadre de rencontres entre groupes de différents villages tout au long de l’année. Ces rendez-vous offrent aux praticiennes l’occasion de s’affronter pour s'imposer comme les meilleures artistes de ce répertoire.

Ces rencontres se transforment alors en véritables compétitions féminines où l'art de paraître joue un rôle fondamental. Par le debaa, elles expriment leur vision de la femme mahoraise et de la bonne musulmane. Bien danser et bien chanter leur permet de représenter l’image de la mère, de la femme et de l'épouse idéales.

Les personnages principaux

Nourou, chanteuse et responsable du groupe de M’tsangadoua

À M’tsangadoua, petit village de pécheurs au nord de l’île, c’est Nourou qui dirige le groupe de debaa. Il est composé principalement par les femmes de sa famille. Tous les jours, elles se retrouvent dans le salon de Mamanourou, pour discuter, tuer le temps, organiser les activités liées au debaa.

Les maris sont absents ou fantomatiques. Nourou a 45 ans. Elle est divorcée et habite avec ses enfants : « le monsieur s’est marié avec une autre femme du village. Un après midi alors que j’étais au travail, je l’ai appris par ma collègue. Tu imagines l’horreur… ». Elle évoque souvent ce célibat forcé, la polygamie et son coeur brisé. Son caractère doux et diplomate font d'elle une femme aimée par toutes les praticiennes de debaa de l'île. Son groupe est régulièrement invité en France métropolitaine.

Saloua, chanteuse, percussionniste et présidente du groupe de Boueni

Saloua, cadre supérieure dans l’administration, est une innovatrice. À 50 ans passés, elle préside son groupe de manière aussi sérieuse que rebelle. Elle habite à Bouéni, joli village du sud au bord de la mer, rempli de belles demeures, de cafés et restaurants fréquentés par les touristes et les métropolitains. Saloua est chanteuse soliste. Sa voix cristalline est très appréciée. Son engagement : faire évoluer le debaa et par répercussion la société mahoraise.

Ainsi, elle détourne sans cesse les règles avec pragmatisme et détermination. Elle souhaiterait par exemple organiser elle-même une tournée internationale sans devoir faire appel à un producteur de la métropole. Alors que le debaa est toujours extrait de poèmes arabes, elle voudrait écrire des textes poétiques en shimaoré, la langue mahoraise. Son groupe est souvent sollicité pour participer aux représentations officielles (inauguration de musées, visite officielle du Président de la République et du Premier Ministre, investiture du Président du Conseil départemental...).

Zalia, fundi et percussionniste du groupe de Bambo

Zalia est une institutrice, pleine d’humour et d’énergie. À 45 ans, elle est la fundi (maîtresse de debaa) du groupe de Bambo, ancien village au sud de l’île, paisible, hors du temps. Les maisons de style traditionnel, de plein pied, bordent des routes encore en terre battue. Tous les jours, elle accueille une quarantaine de femmes sur sa longue terrasse pour répéter le debaa.

Ces moments de convivialité entre femmes sont aussi l’occasion d’écouter les problèmes de chacune et de briser les tabous. Zalia n’hésite pas à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Pour elle, les rencontres de debaa sont un moyen de donner de la force et de la confiance aux femmes de son village en les poussant à se dépasser. Son groupe est formé davantage de jeunes filles. « il n'y a rien ici, pas d'activité récréative, pas de cinéma, rien ! C'est pour ça qu'on fait du debaa, pour s'amuser et se distraire un peu ».

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Ludovic Belzamine
Rédacteur en chef de Megazap.fr depuis 15 ans. En savoir plus sur cet auteur






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