
On raconte aux enfants qu'une sorcière habite dans le volcan. Quand la grand-mère Kalle est en colère, le piton de la Fournaise explose. « Pour moi, le volcan n'évoque pas le danger, précise Rudy Laurent, accompagnateur en montagne.
Si l'on pose cette question à l'ancienne génération, on va te dire que tu vas en enfer ! » Depuis des siècles, les Réunionnais entretiennent des sentiments mêlés pour leur volcan : entre fascination et crainte. « J'ai des tontons à la plaine des Caffres [à quelques kilomètres] qui ne sont jamais montés au volcan ! » Dans le sud-est de l'île, le sommet de la Fournaise culmine à 2 632 mètres.
Pour accéder au bord du cratère Dolomieu, profond de 333 mètres, il faut traverser l'enclos Fouqué, une vaste caldeira née il y a 4 700 ans. « Plus on se dirige vers le volcan, plus on est en train de remonter le temps. » Les falaises du nord-ouest qui délimitent cet enclos constituent un rempart naturel contre les éruptions : 96 % de la lave s'écoule à l'intérieur de cette zone minérale et déserte.
Longtemps, les « gardiens du volcan », installés aux abords de l'enclos, veillèrent aux signes annonciateurs d'une éruption. Une mission qui incombe aujourd'hui à l'Observatoire volcanologique : « Tous les Réunionnais sont amoureux de ce volcan... le plus beau, le plus haut, le plus intense ! » Mais, insiste son directeur Nicolas Villeneuve : « C'est un volcan qui doit être considéré comme dangereux, on est en permanence en alerte... Il faut rappeler tout le temps que le pire est possible. » Car, sur son versant sud-est, le plus exposé, les coulées de lave menacent parfois la population.
Les grandes coulées de lave noire refroidies du « grand brûlé » témoignent ainsi des grandes éruptions qui sont restées dans les mémoires. Celles de 2007 - « l'éruption du siècle » - ont duré un mois ! L'éruption de 1977 a traumatisé les habitants de Sainte-Rose, la commune située en contrebas du piton de La Fournaise : « Volcan l'a pété ! ».
Cette fois-là, elle a détruit une partie des habitations avant de se jeter dans l'océan. Seule l'église, rebaptisée Notre-Dame-des-Laves, est épargnée par la lave... Marie-Claire Cadar, qui a vu sa maison ensevelie, entretient une relation difficile avec le volcan qu'elle refuse d'admirer ou de craindre : « Il faut vivre avec lui, il est partout. La foi me permet de ne pas avoir peur... Le volcan bâtit, nous aussi nous devons bâtir. »